Bienvenue sur cette page consacrée aux lycéens du GPLC 2018
Vous y trouverez quelques clefs d'écoute sur la pièce "Bicinium"
extraite de ma petite suite pour violoncelle seul "Un herbier pour la vie",
avec la partition et l'enregistrement réalisé par Marc Coppey
également disponible sur le site www.gplc.musiquenouvelleenliberte.org/edition/2018
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Le « Bicinium » est extrait d’une petite suite pour violoncelle seul en trois mouvements, dont le projet est né du besoin d’évoquer l’amour des êtres disparus. Rendre présents à notre cœur les absents qui nous manquent.
J’ai choisi de l’écrire pour violoncelle parce que la première pièce est une Elégie à la mémoire de ma grand-mère maternelle, qui était la seule musicienne (amateur) de ma famille, qui m’a beaucoup encouragé, et dont l’oreille attentive a accompagné mes premiers pas de musicien. Je l’ai connue au piano, mais j’ai compris qu’elle aurait surtout été violoncelliste si elle n’avait pas eu un accident à l’index de la main gauche qui l’avait obligée à renoncer à l’instrument.
L’ « Elégie » est aussi conçue dans la tradition des œuvres de Bach comme la Sarabande de la 5ème suite pour violoncelle seul, que ma grand-mère aimait par dessus tout.
Le registre du violoncelle, qui couvre les voix d’homme (de la basse au ténor, voire au contre-ténor), ainsi que la chaleur de sa sonorité, me semblaient aussi l’instrument le plus adapté pour exprimer ma voix intérieure, sans mots, mais en musique.
Entre l’ « Elégie » et le « Bicinium », il y a une pièce assez violente, « L’Absent », inspirée d’un poème de René Char, pour exprimer avec vivacité la douleur face à l’arrachement de la mort d’un frère – frère de sang ou frère d’arme pour René Char, mais dont j’ai transposé la lecture comme s’il s’agissait aussi un peu de mon père – trop tôt disparu. Un cri pour dire éperdument l’inacceptable de cette absence.
Par contraste, le « Bicinium » débute dans le recueillement si ce n’est l’abattement du deuil. Mais dans sa gravité sombre, il voudrait surtout dire quelque chose de la tendresse entre père et fils. C’est pourquoi la pièce est composée d’abord à deux voix, qui tentent progressivement de s’élever, pour s’achever certes à une seule voix, mais riche de tout ce qui précède.
Le « Bicinium » est composé en trois sections :
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du début à la mesure 66 :
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l’exposition commence d’emblée à deux voix, s’appuyant d’abord sur les 4 cordes à vide, du grave à l’aigu (do-sol-ré-la),
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les intervalles sont très rapprochés sur l’autre corde (1/2 ton, ton, ou tierce mineure au maximum), pour contenir l’intériorité du propos,
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chaque fragment commence entre les deux voix sur un intervalle de 7ème mineure et aboutit à une sixte mineure, sans jamais dépasser la 9ème mineure, instaurant un climat sombre et recueilli,
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cette première grande phrase s’achève sur un accord de seconde majeure « sul tasto » avec un soufflet dynamique (crescendo/decrescendo), qui préfigure l’épisode qui reviendra un peu plus loin,
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Le motif initial se développe ensuite en se déployant en arc, du grave à l’aigu (dans les limites de la clef de fa) puis du medium au grave,
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dans cette nouvelle section, les notes tenues ne sont plus nécessairement les cordes à vide (ré# mes.45, puis sol# mes.51 etc.), agrandissant le champ des possibles,
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un épisode constitué d’une succession d’intervalles de secondes, septièmes et neuvièmes mais venant s’achever sur une tierce plus « consonante », tous en valeurs de rondes et joués « sul tasto » crescendo et decrescendo (préfiguré par le dernier accord de la première phrase), d’une sonorité un peu fantomatique, vient ponctuer par deux fois cette première évocation ;
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de « Un peu plus animé » à la mesure 89 :
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toujours à deux voix, nouveau développement cette fois plus libre :
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les intervalles sont plus disjoints,
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les deux voix évoluent parallèlement, contrairement à la première section où l’une des voix était tenue immobile,
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le rythme est aussi plus mobile, avec l’apparition de triolets de noires, de croches et triolets de croches, et un traitement plus contrapuntique des voix (alors que la première section se limitait à l’alternance de valeurs de noires et de noires pointées pendant que l’autre voix tenait longuement une seule note),
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les nuances sont aussi un peu plus expressives et contrastées jusqu’au presque forte,
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l’ambitus global est un peu élargi,
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l’épisode joué « sul tasto » revient alors une dernière fois mais avec de nouveaux intervalles ;
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de « Encore un peu plus animé » jusqu’à la fin :
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cette dernière section est à une seule voix qui se déploie seule, mais riche de tout ce qui précède :
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elle oscille d’abord autour d’un ré à vide, mais trouve cette fois un nouvel élan,
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les sauts d’intervalles et les élans irréguliers expriment peut-être quelque chose des combats d’une vie qui se cherche, mais aussi l’heureuse complexité des émotions qui construisent peu à peu nos vies,
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l’ambitus s’élargit encore, dans le grave en désaccordant le do en si (scordatura mes.109), et dans l’aigu jusqu’au contre-ut final, joué en harmonique (le violoncelliste produit une note qui sonne deux octaves plus haut que le son fondamental en effleurant la même corde à un intervalle de quarte),
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harmoniquement, la dernière phrase décrit progressivement le cycle des quintes éclaté sur les quatre octaves de l’ambitus auquel on est finalement parvenu, du si grave au contre-ut,
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ce cycle de 7 quintes vient clore la pièce qui débutait justement à partir des quintes des 4 cordes à vide de l’instrument (avant la scordatura),
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cet élargissement de la tessiture et cette résolution sur le cycle des quintes, ainsi que la dernière note tenue en diminuant peu à peu, apportent, je l’espère, une impression d’épanouissement et un sentiment d’apaisement.
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